Cet argument, s'il est présenté de manière étayée, doit faire mouche, et deux jugements (Le Havre 2010, Caen 2011) ont été rendus contre Canal sur ce seul point.
En effet, comme c'est au prestataire d'informer le client de la possibilité qu'il a de ne pas reconduire le contrat, c'est aussi à ce dernier de fournir la preuve que le client a bien été informé.
Or, en l'espèce, le magazine étant envoyé en courrier simple (lorsqu'il est envoyé, voir points 2 et 3 ci-après), il n'y a bien sûr aucune preuve de sa bonne réception par le client (pas de signature, pas de clic sur un site avec authentification, rien...).
Bien sûr, Canal et ses avocats ont prévu de quoi avancer des arguments qui manifestement ont déjà porté leurs fruits lors d'audiences sans doute insuffisamment préparées. En effet, lors des audiences, l'avocat présente un "document informatique" censé prouver que le magazine a bien été envoyé au client. Ceci est vaste blague, à plus d'un titre :
1) une preuve d'envoi n'est pas une preuve de réception
2) un document informatique privé n'a aucune valeur légale, et peut même être modifié voire constitué a posteriori.
3) ironie du sort pour Canal, il a été montré lors de l'audience de Caen que le document fourni démontre, au minimum, que le magazine client n'est pas systématiquement envoyé au client. Ce point nouveau pourra désormais être ajouté aux arguments puisque la pièce en question est disponible ici même...
Reprenons ces trois points :
1) À supposer que Canal puisse apporter la preuve que le magazine client a bien été envoyé au client, ce qui est démenti par le point 2, attendu que ce magazine est confié à la Poste pour son acheminement par courrier simple, cette preuve de départ ne serait de toute façon pas une preuve de remise au client. Par la poste, seul l'accusé réception peut faire foi, reposant sur une signature datée du récipiendaire. Il faut rappeler dans l'argumentaire que le magazine reste un média matériel, non dématérialisé, et qu'à ce titre "la force probante de la preuve informatique" avancée par le défendeur n'a pas cours : aucun document informatique ne peut prouver qu'un courrier simple est arrivé chez son destinataire.
2) Le document présenté par Canal lors des audiences est une copie d'écran d'une application interne (voir ci-dessous), non certifié, qui n'a pas plus de valeur qu'un document excel ou word que tout un chacun peut constituer. Qui plus est, on voit clairement dans le bas de l'application en question une ligne de saisie permettant d'entrer ou de modifier des informations.
(clic droit puis "afficher l'image" pour un affichage intégral, ou "souver sous" pour sauvegarde)
3) Pas de chance pour Canal, léger manque de professionnalisme qui détonne dans une mécanique pourtant bien huilée, le document présenté à Caen par le défendeur (Canal) est donc un extrait de listing présenté de façon anti-chronologique (du plus récent au plus ancien), faisant apparaître les informations marketing relatives à mon contrat d'abonnement. Y figurent un certain nombre de codes plus ou moins déchiffrables concernant probablement des offres publicitaires (voir le détail), et, une occurrence du "magazine client" miraculeusement datée au mois d'octobre 2009, exactement dans la fenêtre des trois mois réglementaires relative à la loi Chatel, donc censé être l'argument clé pour le défendeur. Ce qui leur a échappé, c'est que seule cette occurrence d'octobre 2009 apparaît, alors que le magazine est mensuel, et que les données sont chronologiques, allant d'octobre 2009 à juin 2010 (date à laquelle mon contrat a été résilié par Canal). Je n'ai pas fait mention de cet élément troublant dans mes conclusions écrites, de sorte que Canal soit pris sur le vif, et, le jour de l'audience, j'ai repris à mon compte ce document en demandant devant le juge : "à quelle date le magazine de décembre 2009 m'a-t-il été envoyé ? Et celui de janvier 2010 ? mars, avril mai et juin 2010 ?". Stupéfaction de l'avocat, qui a ensuite bondi lorsque j'ai évoqué l'éventualité d'un faux document constitué a postériori. On en est restés là, le juge déjà acquis à ma cause ne voulant pas s'engouffrer inutilement sur ce terrain miné.
Que faut-il conclure de ce document ?
Pour ne pas risquer d'attaque en diffamation, attendu que de l'aveu même de l'avocat de Canal lors de l'audience de Caen, nous, clients mécontents qui échangeons sur les forums, sommes suivis de très près par Canal, je me contenterai ici d'émettre des hypothèses. Canal n'a pas été en mesure ou n'a pas souhaité en dire plus lors de l'audience, mais vu que cette société ne va pas tarder à lire ce message, je l'invite bien sûr à nous en dire plus. Les hypothèses que l'on peut envisager :
- Première hypothèse, je n'ai jamais été abonné au magazine CanalSat que je suis censé recevoir, n'ayant pas été ajouté à la base de données correspondante (ce ne serait donc pas automatique). Du coup, lorsqu'ils ont constaté que le magazine n'apparaissait pas dans le listing, ils ont ajouté celui du mois correspondant à la fenêtre Chatel (octobre 2009) en vue de l'audience, oubliant qu'il aurait été de bon ton d'ajouter les autres...
- Deuxième hypothèse, la procédure d'envoi du magazine se fait de façon totalement anarchique et manuelle, si bien qu'en l'occurrence je n'ai été concerné (comme par hasard) que par celui du mois d'octobre 2009. Mais peut-on sérieusement envisager que pour les 10 millions d'abonnés ceci ne soit pas fait automatiquement par le système informatique ?
Ce que l'on peut affirmer de façon certaine, c'est que preuve est faite par Canal, via ce document, qu'au moins dans un cas, un client n'a été concerné en 10 mois consécutifs, dans le système informatique présenté, que par un seul exemplaire. Donc un taux d'envoi inférieur ou égal à 10%. On est aux antipodes des arguments pompeux avancés par les avocats qui parlent de "la force probante de la preuve informatique" dans leurs conclusions écrites transmises au juge.