Mon histoire avec Canal+ distribution a pris fin aujourd'hui, 1er juin 2011, en me rendant au tribunal d'instance de Caen afin d'y découvrir le jugement rendu par le juge de proximité concernant l'affaire qui m'opposait à cette société. Canal+ est condamnée.
D'après les quelques échos que j'ai eus sur d'autres sites, c'est souvent à peu près la même histoire. Voici dans les grandes lignes la façon dont cela s'est passé.
- Décembre 2008, je reçois une offre promotionnelle me permettant d'accéder à CanalSat sur ma FreeBox pour "seulement 10€ par mois" au lieu de 23.9 euros, pendant un an. Je l'accepte, tout en ayant l'intention de m'en tenir à ces 12 mois promotionnels.
- Fin janvier 2010, en feuilletant mon relevé de compte, je constate un prélèvement de 23.9 euros au lieu des 10€ habituels. Je constate donc que j'en suis au mois n°13, et qu'il est temps de mettre un terme à mon abonnement. C'est alors que je découvre que le contrat est "à reconduction tacite à la date anniversaire" de ce dernier. Je suis très étonné, car j'avais cru comprendre qu'une loi était passée qui interdisait ce genre de clause. Renseignements pris, il existe bien une loi, la loi Chatel, qui consiste en un garde fou contre cette pratique, non pas en l'interdisant, mais en stipulant que le prestataire est tenu d'informer le client entre 1 et 3 mois avant la date d'échéance du contrat reconductible de la possiblité qu'a ce dernier de ne pas reconduire ce contrat.
- 1er février, je n'ai jamais rien reçu de tel autour d'octobre/novembre 2009, donc, confiant, je rédige un premier courrier en LRAR (Lettre Recommandée avec Accusé de Réception) à l'attention de CanalSat, expliquant qu'en veru du texte de la loi Chatel, j'étais libre de tout engagement à compter du 1er janvier 2010.
- Mi-février, réponse de Canal : "Nous avons bien pris en compte votre demande. Ainsi, votre abonnement prendra fin le 1er janvier 2011" (et non 2010 !). Logiquement, on penserait à une erreur de frappe... Mais non, c'est seulement la façon de Canal de "prendre en compte" une demande pourtant fondée sur la loi. Et c'est là que l'on comprend que le rouleau compresseur est lancé, et qu'il va être difficile de faire appliquer ses droits : aucune argumentation dans cette réponse, pas même mention de la loi Chatel, c'est presque désarmant ! Parallèlement, je reçois des offres promotionnelles de Canal concernant la suite de mon contrat (deux par courrier, plus tentative de démarcharge téléphonique semble-t-il).
- 25 février 2010, dans la foulée, Second courrier LRAR à l'attention de Canal, reprenant les termes du premier. C'est la procédure avant d'envisager un recours auprès d'un juge de proximité. J'indique dans mon courrier que je mets fin à l'autorisation de prélèvement automatique sur le champ, et je préviens ma banque.
- Ainsi, à compter de mars, les tentatives de prélèvement de Canal n'aboutissent pas. Plus de nouvelles pendant quelque temps, cela se tasserait-il ? Durant toute cette période, je prends soin de ne jamais regarder les programmes de Canal que visiblement je continue de recevoir.
- 19 juin 2010, courrier de Canal m'indiquant que les tentatives de prélèvement des trois prochains mois n'ayant pas abouti, je ne vais "malheureusement plus recevoir canalsat", et qu'en m'acquittant de la somme correspondant à ces "impayés", mon contrat sera définitivement clos. En clair, cela signifie que Canal propose sans le formuler clairement de renoncer à tenter de me faire payer le contrat jusqu'en décembre si j'accepte de me délester des sommes de janvier à juin. Ce que l'on appelle "couper la poire en deux". Renseignements pris sur le web, c'est apparemment une proposition classique de Canal lorsque le futur ex-client a fait cesser l'autorisation de prélèvements. Ce point me sembe intéressant, car je l'interprète comme un aveu de demi-renoncement trahissant le fait que Canal sait qu'il n'est pas fondé à faire perdurer le contrat. Et c'est stratégiquement assez fin car à ce stade, vu que janvier et février ont déjà été prélevés, il me resterait 23.9 euros soit 71.7 euros pour ne plus entendre parler de cette fatiguante histoire. Dans mon cas, cependant, c'est vain : j'irai jusqu'au bout, pas pour la somme, mais pour le principe.
- je laisse de côté cette histoire durant plusieurs mois, en espérant vaguement que la jurisprudence aidant (déjà plusieurs jugements rendus contre CanalSat), les choses vont changer, mais...
- Décembre-Janvier 2010-2011, courriers de la société de recouvrement mandatée par Canal, récurrents, menaçants. Il se pourrait que mes biens soient saisis, que je sois l'objet de retenues sur salaires, etc. C'est une nouvelle étape dans le travail de sape de ce rouleau compresseur. C'est aussi sans doute l'élément déclencheur qui me manquait jusqu'alors pour, enfin, prendre la décision de passer réellement à l'action
- Fin janvier 2011, je saisis le Juge de Proximité par courrier LRAR. À ma surprise, ça va très vite : audience prévue fin février.
- Début février, ça réagit enfin un peu chez Canal : ils ont reçu la convocation au tribunal, et j'ai donc droit à un traitement de faveur, un appel téléphonique du responsable clientèle (ou quelque chose dans ce genre). C'est un grand professionnel de l'exercice, parvenant à garder un ton calme et une voix presque agréable, ce qui n'est pas forcément mon cas (ce n'est pas mon métier). Extraits : "Bonjour Monsieur, je vous contacte un peu tard [Note : en effet, mon premier courrier date de plus d'un an, pas un mot de réponse concernant la loi Chatel jusqu'alors], je vous appelle au sujet du litige qui nous oppose, (...), je voudrais savoir ce qui ne vous a déplu chez CanalSat...". Je lui réponds qu'il s'agit tout simplement du non respect de la loi Chatel, comme il a pu le lire dans mes courriers. "Ah, en fait CanalPlus respecte la loi, car vous recevez chaque moi le magazine client (...)". Je lui réponds que je ne le reçois pas. "Ah, c'est dommage, mais ...". Je coupe court : "Monsieur, comme je vous l'ai écrit dans mes deux courriers, je ne souhaite communiquer avec vous que par courriers en LRAL. Au revoir."
- 19 février 2011, 5 jours avant l'audience, et donc de façon contraire au "principe du contradictoire", je reçois "les conclusions" de la partie adverse, rédigée avec soin par le cabinet d'avocats parisien de Canal. C'est un coup de massue. La jurisprudence en faveur de Canal y est exhaustivement présentée (une douzaine de jugements dont je n'avais jusqu'alors pas eu connaissance), argumentée par des professionnels qui planchent depuis plusieurs années là-dessus. Je suis présenté comme une personne essayant, par un moyen détourner, de se dédouaner de son abonnement. Il ne me reste plus que 4 jours avant de me retrouver seul face à l'avocat de Canal : la manœuvre est habile : la pression est de mon côté.
- Je parcours les forums à la recherche de jurisprudences contre Canal. Deux circulent déjà depuis un moment (Toulouse et Brest), j'en découvre une autre (Le Havre) mais qui n'est pas publiée, et dont je ne connais que le lieu et la date. En deux jours, grâce à la bonne volonté du personnel du tribunal du Havre, j'obtiens ce jugement par fax. Je rédige à présent mes propres "conclusions", sur 8 pages, en développant 3 points d'attaque.
- 24 février 2011, jours de l'audience, l'affaire est finalement, et logiquement, reportée d'un mois. Je dis en effet que je suis prêt à développer, pour autant que l'on accepte mon nouveau document de 8 pages, attendu que Canal a fourni les siens beaucoup trop tard. L'avocat adverse demande donc, et obtient, le report. Je le vois alors qui parcourt fébrilement mon document en diagonales, puis vient me rejoindre pour me demander : "vous travaillez dans quel domaine ?"
- 30 mars 2011, l'audience a cette fois bien lieu. L'avocat, qui m'a reconnu dans la salle, tente de me mettre la pression peu avant l'audience (le détail de l'audience sera fait dans la partie idoine de ce forum). Je suis remonté et prêt à argumenter oralement sur les 8 pages que j'ai rédigées... Mais je vois vite que je n'en aurai pas le loisir. Dès les premiers arguments de l'avocat adverse, on peut lire clairement sur le visage de Mme le juge que l'affaire est entendue. Elle glisse même qu'il y a "mélange des genres" lorsque le magazine client est avancé comme support d'information légale. J'ai tout de même le temps de démonter totalement la pièce fournie par l'adversaire qui est censée prouver que j'ai reçu le magazine client (voir là aussi le détail sur les messages dédiés). Puis ça se termine rapidement, avec la remarque finale de Mme le juge à l'endroit de l'avocat de Canal : "c'est tout de même difficile de défendre Canal+... Je suis moi-même abonnée."
- Avec un peu de retard, fin mai, le jugement est donc rendu contre Canal+ qui est condamné à me rembourser les sommes indûment prélevées en 2010 (plus frais de LRAR).
Le champagne va couler. La somme récupérée peut sembler dérisoire (mais il faut considérer qu'initialement, la reconduction tacite non souhaitée m'entraînait sur 12x23.9 soit 286.8 euros), mais l'essentiel est ailleurs.